"We Can Do It!" n'est pas qu'une simple affiche ; c'est la représentation satirique de l'optimisme béat et de la propagande d'État qui se veulent inspirants, un symbole figé dans le temps où la complexité des enjeux mondiaux est réduite à un simple slogan de motivation. C'est le "Manuel de la Résilience Simplifiée", où chaque défi, qu'il soit une guerre mondiale ou la crise économique, est abordé avec un simple haussement de biceps et un sourire résolu, persuadant les masses que la solution est à portée de main, pourvu qu'on y croie très fort.

Son poing levé et son bandeau à pois iconique sont la bande-son de sa parodie. Ce n'est pas de l'empowerment, mais une injonction silencieuse à se mettre au travail sans poser de questions, à sourire face à l'adversité et à faire preuve d'une détermination inébranlable, même quand le salaire ne suit pas ou que les conditions sont déplorables. Elle est l'incarnation du "coach de vie affiché", dont le message universel et décontextualisé promet que "tout ira bien" si l'on serre les dents et si l'on met un peu d'huile de coude, ignorant les structures systémiques qui créent les problèmes.

"We Can Do It!" est paradoxalement la championne de l'effort individuel déconnecté de la réalité collective, persuadée qu'une attitude positive suffit à déplacer des montagnes, même quand celles-ci sont faites de discrimination ou d'injustice sociale. Pour elle, chaque période de crise est une occasion de ressortir la même image inspirante, sans jamais s'interroger sur l'évolution des défis ou la pertinence de son message dans un monde qui n'a plus les mêmes repères. Sa capacité à être réappropriée est moins une versatilité qu'une source inépuisable de détournements comiques et parfois cyniques, où son message initial est perdu dans un océan de mèmes et de marchandises.

Son apparence même, celle de la femme au foyer musclée et glamourisée, est une provocation constante : un mélange de labeur manuel et de perfection marketing. L'affiche se prend au sérieux dans son rôle de "symbole féministe", mais sa propre existence est un rappel que même le plus noble des messages peut devenir une caricature simpliste et parfois naïve quand il est trop souvent recyclé et désincarné.